Ma petite vie kinoise semaines après semaines

"On ne part pas, on est envoyé"

24 Septembre 2008 , Rédigé par Fanny Le Balle Publié dans #"Ma grâce te suffit..."

C'est cette phrase qui me revient, c'est elle qui me soutient pour mon départ. Pendant notre dernière assemblée de prière, nous avons reçu le texte de l'envoi au monde ! Quel beau signe pour moi : "Comme tu m'as envoyé, Père, moi aussi je les envoie" . Tu m'as appelé Seigneur dans ce pays, tu m'y as envoyé. C'est le moment maintenant, je rentre, je retourne, mais en même temps, je pars, comme un nouvel envoi !

Après les derniers au revoir parfois vraiment durs, ce dimanche 21 à 17h, nous partons à 12 dans la voiture : Serge Manzambi, Bruno, Véronique, François, Anathole, Dieudonnée, Jean-Pierre, et 4 de mes grands frères : Bob, Cédric, Ranger et Yannick. Quelle joie de les avoir à mes côtés jusqu'au bout ! Toussaint nous rejoint à l'aéroport, et j'ai aussi la surprise de voir un enfant Caritas débarquer pour venir me dire au revoir. Il habite à côté de l'aéroport, c'est là que François et Lucie l'avait rencontré, il cirait alors des chaussures pour aider sa famille. Ce soir là, il venait me dire merci, ce qu'exprimait aussi la présence de mes autres frères. Je n'ai aucun orgueil à tirer de cette année, la seule chose que j'ai pu réussir, c'est peut-être accueillir ce qu'ont voulu me partager ceux que j'ai rencontré. Quel immense cadeau ! Et pourtant, je sais que je ne comprends pas encore toute la portée de cette année dans ma vie !
Après un passage sans problème aux bagages, je retourne boire un dernier coup avec tout le monde. Peu à peu, certains me parle à mi-voix : ils ne réalisent pas que je vais partir, mais se sentent déjà triste... Moi je suis joyeuse, je danse et je ris. Vêtue et tressée à la congolaise, je compte bien faire honneur à mon pays d'adoption !! Bien sûr, je sais que le moment viendra où moi aussi je vais pleurer, mais pendant ce "stand by" autour d'une dernière bouteille de bière, je profite de leur présence, je les regarde, je "respire" cette ambiance que je ne retrouverai jamais. Cédric est renfermé : il sait que je dois partir, mais a quand même l'impression que je l'abandonne. Yannick me prend à part, et pour la première fois, met des mots sur son coeur, brièvement, mais si doucement... "Fanny, tu sais que je ne parle pas beaucoup... mais je voulais te dire merci, et que, ici au Congo, tu ne trouveras plus beaucoup de gens qui t'aimeront comme on t'as aimé". Nicky a le visage tendu, mais il garde son sourire. Bob me fixe sans rien dire avec son petit sourire tendre que je connais si bien... Et puis le moment vient, ils m'accompagnent devant la porte d'entrée. C'est là que Yannick se met à pleurer et part s'appuyer contre le mur, dans un coin. Je fais mes au revoir, la gorge se noue bien sûr, et les larmes viennent. Mais je n'ai pas honte, c'est dur de quitter une année de relation, de rire et de complicité, je n'ai pas à l'ignorer ! Je serre tout le monde très fort, je termine par Bob. Il garde son petit sourire, il a les yeux qui brille, mais il maîtrise ! ^^ Moi je ne maîtrise plus, et il me reste à dire au revoir à Yannick ! Les larmes roules sur ses joues de grand costaud, et je le serre comme je peux, en lui rappelant que Dieu nous lie au delà de tout ! Il ne me regarde pas, j'essuie ses larmes maladroitement, et après un dernier signe de la main, je pars. Je ne peux m'empêcher de me retourner toute les 5 secondes, et quand j'arrive au poste d'immigration, je dois me faire violence pour ne pas créer un nouveau fleuve ! :) Un dernier regard, et je my engouffre. Je tente de faire bonne figure, mais j'ai du mal. Je discute un peu en lingala avec le douanier, qui m'anonce devoir annuler mon visa d'établissement. Ah oui, je ne vous ai pas expliqué, mais en gros, quand on reste une année, on obtient un Visa d'établissement pour 5 ans pour faire plus simple (allez comprendre). En tout cas, si je voulais garder ce Visa, il fallait que je paye environ 70 €, et je n'avais plus vraiment les moyens !! :) Le papa me regarde et je lui dis que je suis au courant : je n'ai pas de visa de sortie, qu'il le raye ce visa d'établissement. "Vous ne reviendrez plus alors ?" me demande-t-il... "Vous avez bien un petit quelque chose que je puisse prendre un bière, je peux vous arranger ça" continue-t-il. Malheureusement, j'ai laissé mes quelques billets restants à François, et je lui explique avec franchise. Il tampone et me tend mon passeport : il m'a créé un Visa de sortie gratuitement, et me sourit quand je lui demande pourquoi il a fait ça ! Mais je ne vais pas me plaindre, quelle grâce !! Ce visa de sortie me permet de revenir en RDC qd je veux et pour la durée que je souhaite sans repayer ! Ouaaaaouh ! Je regarde ce tampon encore et encore, même assise dans l'avion, et n'en revient toujours pas ! :)

Dans l'avion, je me retrouve à côté d'une avocate congolaise, et après m'avoir consolé, on part dans de grandes discussions en lingala : quel bonheur ! Viennent aussi les nouvelles premières fois : le premier croc dans un croissant au dessus des nuages ! Merveilleux ! Le premier vin blanc avec des pâtes au fromage ! Le premier jus de pomme ! Et rapidement, le premier pull aussi !! ;) J'ai perdu 20 degrés en atterrissant à Paris, et je le sens dans mes doigts de pieds nus !! :) C'est que, avec le pagne, des baskets, c'est pas top, alors j'ai choisi d'assumer jusqu'au bout ! :) Dans l'aéroport, j'observe de nouveau les miens, et... y'a que des blaaaancs ! La mundele n'est plus ! :) Je suis fascinée par les familles : les enfants jouent, ils rient, ils se blotissent dans les bras de leurs parents... et mon coeur se serre. Je pense à tous nos petits là bas, à l'enfance bafouée, sacrifiée, blessée... Je pense à vous mes petits frères, et Dieu que je vous aime ! Dieu comme j'aimerai que vous puissiez ressentir tout ce que je vous aime ! Autant que ces parents ! Vous m'avez parfois donné le sentiment que je serai prête à être mère, à me battre pour vous donner ce qui vous manque. C'est bien à vous que je pense en me demandant si ces enfants là, qui n'ont pas froid et ne connaissent pas la peur, la faim, la solitude affective sauront un jour leur chance, comprendront à quel point ils doivent donner à leur tour...

Mais déjà, nous sommes le 22, il est 9h45, je viens d'atterrir à Strasbourg ! Marie, ma grande soeur, 3 amis et un beau bouquet de fleurs m'attendent à l'arrivée ! ^^ Je récupère mes bagages, et pars squatter l'appartement de Marie et Valentin pour quelques jours !
Les retrouvailles me semblent simples, je me sens bien, comme si j'étais partie hier, mais à l'intérieur il y a des décalages bien sûr. Ma première sensation est que tout est trop lisse, trop clean, trop net ! C'est assez étrange par rapport à toute cette ambiance, cette chaleur humaine palpable, cette vie qui déborde là bas à Kin ! Ici tout le monde est dans sa voiture, sur son chemin, trace sa route comme on dit ! Mais je me dis que l'important est de resté ancré dans l'essentiel des moments, et de tenter peu à peu de mêler ma vie d'ici à la vie de là bas. Je demande et redemande vos prières pour que je puisse garder cette paix, et réussir à faire l'unité à l'intérieur de moi même. Pas question d'être infidèle à la joie que les congolais m'ont transmise, même si ce ne sera pas tous les jours facile ! 

Strasbourg : que de lieux-souvenirs dans cette ville ! Après quelques jours, quelques retrouvailles (Cathy, Raphou, Nico, Jonathan, Noëlle, Sam, Manu, Balou, Adri...), quelques films (Mama Mia, Il était une fois, P.S I love you) et un court passage au FEC, je me prépare à rentrer à Remiremont.


            


Merci à tous ceux qui me portent en pensée et prière.
Je suis heureuse de retrouver le sol de ma patrie, où j'ai encore tant à vivre !

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E
coucouuuuu Fanny ! Alors comme ça tu es de retour ! j'ai été ravie de suivre ton périple congolais au fil de tes articles. Quelle expérience ! <br /> A bientôt, j'espère ;)
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